Chelah-Lekha

Chers amis,
Nous sommes à l'épisode très connu des explorateurs qui visitent la terre de Canaan, la terre promise, en touristes pour vérifier si la promesse de Dieu de confier au peuple d'Israël un pays riche et fertile est une promesse valable.
Comme vous le savez, ils sont à la fois enchantés par la beauté et la fertilité du pays qu'ils visitent, et simultanément découragés par la force des peuples qui y vivent, qu'ils décrivent comme des géants.
Vocabulaire :
·       "vayaalou"=>ils montent visiter le pays
·       le mot "géants" : Néfilim
·       Nous allons "tomber"
Tous les dialogues, des explorateurs entre eux, des explorateurs avec le peuple ou avec Moché, sont bâtis sur cette opposition lexicale entre les verbes "monter" et "descendre/tomber". Comme il y a plusieurs niveaux d'interprétation, certains commentateurs choisissent de considérer ces paroles non pas comme des indications géographiques, mais plutôt comme des niveaux spirituels/psychologiques :
במדבר פרק יג

(לג) וְשָׁם רָאִינוּ אֶת הַנְּפִילִים בְּנֵי עֲנָק מִן הַנְּפִלִים וַנְּהִי בְעֵינֵינוּ כַּחֲגָבִים וְכֵן הָיִינוּ בְּעֵינֵיהֶם:

"Nous y avons même vu les Nefilîm, les enfants d'Anak, descendants des Nefilîm: nous étions à nos propres yeux comme des sauterelles, et ainsi étions-nous à leurs yeux."
Ce passage est très révélateur : avant même la rencontre entre les explorateurs et les Cananéens, le complexe d'infériorité se développe et fausse tous les rapports : les Néfilim semblent dominer et écraser les hébreux parce qu'eux-mêmes se sentent petits, faibles et inférieurs.
Le complexe d'infériorité et de petite taille peut s'exprimer de beaucoup de manières différentes : certains développent une hargne et une férocité particulière, et se forcent à se surpasser et dominer les autres sur un autre plan que celui de la taille ou de la force physique. Ce peut-être le cas sur le plan individuel, mais rarement au niveau collectif.
Dans cet échange entre les Néfilim et les hébreux, qu'on ne peut appeler dialogue puisqu'aucune parole n'est échangée, tout juste un échange de regards, c'est une tragédie qui se joue. Un de ces épisodes où l'histoire s'accélère, où deux représentations diplomatiques vont décider de la guerre ou de la paix, de la vie ou de la mort de milliers de gens, de conquêtes, de possessions, de dominations, d'expulsions, de prisonniers, d'esclavages… Et pour les hébreux c'est très mal parti. Un gros problème de confiance en soi les paralyse, une certaine inexpérience des relations diplomatiques les empêche de prendre part à des négociations subtiles dans lesquelles il faut allier force, finesse et bluff. (hutspa)
A leur retour ils reçoivent un cadeau sans précédent dans l'histoire : une seconde chance. Un temps de réflexion, de préparation, d'évolution personnelle : 40 ans. Dans la Torah 40 est le chiffre de la maturité. Au bout de 40 ans, ils auront droit à une session de rattrapage : Josué enverra à nouveau des explorateurs, et cette fois l'histoire est tout-à-fait différente.
Je vous renvoie au second chapitre du livre de Josué, d'où est tiré la Haftara qui est liée à la paracha et que nous lirons demain : Josué envoie deux explorateurs à Jéricho, qui arrivent chez une femme, une prostituée du nom de Rahav. Alors qu'ils ont été repérés, cette femme leur offre de les cacher et de les protéger dans son grenier, leur sauvant ainsi la vie. Le lien entre la paracha et la haftara est triple : outre le thème des explorateurs, il y a aussi le vocabulaire employé qui fait allusion à la Paracha : cette fois se sont les hébreux qui montent et les cananéens qui descendent. Enfin il y a le fait que pour la première fois un dialogue s'instaure entre hébreux et cananéens, et même si la conquête de Jéricho aura lieu, certaines personnes auront la vie sauve, parce qu'une alliance a été conclue, une promesse/un engagement tenu. Le respect des accords conclus entre belligérants même en tant de guerre, au cœur de la bataille, est un signe fort de l'avancée d'une civilisation.
Mais ce qui est remarquable, c'est que dans l'esprit des deux explorateurs hébreux la réussite du siège de Jéricho est une évidence qui n'est pas mise en doute une seule fois : ils promettent à Rahav de lui laisser la vie sauve une fois que la ville sera conquise.
En 40 ans, l'âge d'un adulte mature, un peuple entier a réussi à acquérir une force qui le rend invincible : non pas la force physique ou le maniement des armes, mais l'assurance et la confiance en soi, condition indispensable pour la réalisation du projet commun, l'installation sur la terre d'Israël.
Chabbat Chalom

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