Yom Kippour 5772

Chers amis,

La semaine dernière au cours du samedi après-midi, nous nous demandions pour quelle raison Yom Kippour, qui n'est qu'une des nombreuses fêtes décrites dans la Torah, avait pris une place aussi centrale non pas dans le judaïsme, mais dans le rapport qu'entretiennent les juifs avec leur propre tradition. C'est un constat que l'on fait chaque année : aussi éloigné que l'on soit du judaïsme dans sa pratique quotidienne et hebdomadaire, si l'on fréquente la synagogue une fois dans l'année c'est à Yom Kippour. Pourquoi ce jour plutôt qu'un autre? Y a t-il quelque chose dans nos sources, qui donnerait à penser que Yom Kippour est un jour plus "important" que les autres fêtes de pèlerinage (Soukot, Pessah, Chavouôt) ou même que le chabbat, symbole du parachèvement de la création? Il est vrai que dans la Torah Yom Kippour est appelé "chabbat chabbaton" => "le chabbat des chabbat", pour expliquer que lorsque le 10 Tichri tombe un chabbat, ce qui est le cas cette année, Yom Kippour prime sur Chabbat. Mais il reste que Yom Kippour est et a toujours été un jour austère, grave, douloureux, identifié par son commandement le plus connu : l'interdiction de manger et de boire, ce jeûne qui en fait une épreuve si difficile. Yom Kippour représente le point culminant des dix jours qu'on appelle "jours redoutables" (Yamim Noraïm). Toutes ses raisons n'expliquent pas, au contraire! Pour quelle raison Yom Kippour est devenu si "populaire" dans la sociologie du judaïsme contemporain. Je me dis souvent que, quitte à être éloigné de la tradition, autant choisir de s'en rapprocher les jours de fêtes joyeuses et chaleureuses, comme Hanouka, Pourim, ou encore Soukot. Ou encore lors de fêtes dont la symbolique est positive, comme Pessah ou Chavouôt.

Mais le fait que sociologiquement les juifs ont choisi de garder le lien avec le judaïsme par ce jour particulièrement austère est révélateur d'au moins deux conceptions :

1. Une conception/perception erronée de notre tradition qui veut qu'elle soit considérée par beaucoup, de l'intérieur comme de l'extérieur, comme étant exigeante, contraignante et austère, dont le symbole est Yom Kippour.

2. Une conception populaire de Yom Kippour, que les juifs algériens traduisent "le grand pardon" qui voudrait que ce soit le jour où, si l'on jeûne, Dieu nous pardonnera tous nos péchés de l'année et nous pourrons allègrement recommencer après.
Chers amis, je voudrais profiter de l'occasion que nous sommes nombreux réunis aujourd'hui pour développer un peu et prouver que ces deux conceptions sont fausses :
Premièrement, Non, la vie juive au quotidien, qu'elle soit individuelle ou en communauté, ne ressemble pas à Yom Kippour. Les juifs pratiquants ne vivent pas dans un état constant de privation, de contrainte et d'ascétisme. La vie juive peut être considérée comme une fête, une façon d'apporter de la joie, mais aussi de la profondeur dans les actes les plus anodins, et il nous arrive de nous réunir à la synagogue pour des célébrations emplies de joie, de musique et de danse, que ce soit pour des occasions rituelles ou pas.

Deuxièmement, Non encore, désolé de briser un mythe ce soir, mais Yom Kippour n'est pas, dans la conception biblique ou rabbinique, un jour "magique" où lorsque l'on jeûne Dieu nous pardonne automatiquement toutes nos fautes. Pour commencer, Yom Kippour commence… quelques jours avant le Kol Nidré, par un processus spirituel qui, pour être individuel et personnel, n'en est pas moins tourné vers les autres puisqu'il s'agit de demander pardon à son entourage de toutes les vexations, les heurts, les malentendus qui ont pu se produire durant l'année. Cette démarche n'est pas sensée être une humiliation volontaire de la personne (puisque normalement la démarche est réciproque) pas plus qu'une occasion de souffler sur les braises de conflits latents et pas éteints. Il s'agit de régler ses comptes avec soi-même, sa propre conscience, avant de commencer à se présenter devant le créateur. Comment pourrais-je, comment oserais-je demander pardon à Dieu si je ne suis pas capable de m'excuser auprès de mon voisin? De quel droit est-ce que je m'attendrais à être pardonné de mes fautes si je n'accepte pas moi-même de passer l'éponge sur les affronts subis?

La Michna sur Yom Kippour dit :
משנה מסכת יומא פרק ח

את זו דרש רבי אלעזר בן עזריה (ויקרא ט"ז) מכל חטאתיכם לפני ה' תטהרו עבירות שבין אדם למקום יום הכפורים מכפר עבירות שבין אדם לחבירו אין יום הכפורים מכפר עד שירצה את חברו

« Rabbi Eléazar Ben Azaria a interprété le verset : « De toutes vos fautes, devant Dieu vous serez purifiés » (Lévitique 16) => « De toutes vos fautes devant Dieu, vous serez purifiés, pas les autres ! ». Yom Kippour fait expier les fautes commises entre l’homme et Dieu, mais ne fait pas expier les fautes entre l’homme et son prochain tant qu’on ne lui a pas demandé pardon. »

J'ai donc le devoir de vous annoncer que si vous n'avez pas fait ce travail préparatoire, Yom Kippour ne sera effectif dans le meilleur des cas pour 50% de vos fautes, et peut-être beaucoup plus… vous aurez donc un an pour penser à vous rattraper, jusqu'à l'année prochaine.

Mais employer le terme de "pardon" ou de "grand pardon", est mal approprié pour décrire ce qui se joue à Kippour, peut-être à cause de la connotation chrétienne de ce mot. Un philosophe juif allemand très important, Hermann Cohen (1842-1918) préfère parler de réconciliation.

Une réconciliation entre les personnes, puisqu'il s'agit de s'excuser réciproquement, qui doit être prolongée, continuée, couronnée, par une réconciliation avec Dieu : "C'est ainsi que Yom Kippour est le plus beau jour de l'humanité monothéiste. L'homme a la faculté de rechercher la réconciliation avec Dieu. C'est par cela même qu'il est un homme. Dieu prend sa signification la plus élevée en garantissant cette réconciliation avec l'homme. […] Justice et amour s'opposeraient toujours en Dieu si la réconciliation ne parvenait à y mettre bon ordre[1]."

Le mot réconciliation lorsqu'on parle d’une relation entre individus est totalement anodin. Lorsqu'on parle de la relation entre Dieu et un être humain, il y a de quoi être choqué : d'ordinaire, on imagine la relation entre Dieu et l'homme à sens unique, Dieu acceptant dans son infini miséricorde de pardonner à l'homme ses erreurs commises. Or parler de réconciliation serait sous-entendre qu'il existe une réciprocité dans la relation entre l'homme et le divin! Ce serait dire que, de la même façon que Dieu pardonne à l'homme, l'homme peut aussi, doit aussi, pardonner à Dieu ses injustices et ses "erreurs"(telles qu’elles nous apparaissent). Cette notion, qui mériterait d'être développée à une autre occasion, est une notion clef du judaïsme qui peut, dans d'autres religions, s'apparenter à un "sacrilège", mais qui est présente depuis les textes les plus anciens de la Torah : Dieu, en créant l'homme, ne cherche pas un serviteur mais un partenaire, un Autre, une altérité. Dieu supporte, et même recherche, que l'homme s'adresse à lui dans une posture d'égal à égal, échange, négocie, l'interpelle avec ce que les israéliens appellent une "houtspa", un certain culot, sans-gêne.

Pour illustrer cette notion, je pourrais citer de nombreux textes de la littérature biblique ou rabbinique, mais je préfère en choisir un issu de la littérature Hassidique du XIXème siècle, parce qu'il fait directement référence à Yom Kippour :

"On raconte qu'un jour Rabbi Lévi-Itzhak de Berditchev interrompit la prière de Kippour en plein milieu en disant : "nos supplications ne montent pas vers le ciel, elles ne valent rien comparées à celles du tailleur de la ville!" et le rabbi propose à ses fidèles d'aller espionner le tailleur pour apprendre de lui comment prier. Les disciples sont surpris d'une telle initiative car le tailleur est le moins pieux de tous, il n'est même pas venu à la synagogue pour kippour. Arrivés devant la fenêtre, ils observent le tailleur lire dans un livre/cahier à voix haute : "Le trois Tichri je devais fournir un costume avec une doublure en soie et j'en ai fourni un avec une doublure en lin. Le lendemain, un client m'a payé avec un billet de 100 et j'ai rendu la monnaie sur 50. Le lendemain, un client est venu chercher son vêtement mais j'étais en retard et je ne lui ai livré que deux jours plus tard, lui faisant perdre un temps précieux…" et le tailleur poursuit la lecture de son livre de bilan, énumérant toutes les fautes commises durant l'année… Ayant achevé sa lecture, il range le livre dans sa bibliothèque et en prend un autre, bien plus volumineux. Il en fait également la lecture à voix haute : "Le 3 Tichri, Toi Dieu, tu as permis qu'un incendie ravage la maison de la pauvre veuve d'en face. Le lendemain, Toi, Dieu, tu as laissé un cheval fou blesser un jeune enfant. Le lendemain, Toi, Dieu, Tu as laissé un pogrom avoir lieu…" et le tailleur passe en revue tous les griefs qu'il a contre Dieu. Et il conclut : Mon Dieu! Je te propose un marché : Tu pardonnes mes fautes et je pardonne les Tiennes. D'ailleurs, Tu es gagnant car Ton livre est plus épais que le mien! Voilà, explique le rabbi à ses disciples un peu interloqués, le véritable sens de la prière : elle doit être un dialogue, une confrontation…[2]"

Cette attitude de dialogue et de confrontation souhaitée par Rabbi Lévi-Itzhak de Berditchev comme par tant d’autres auteurs de la tradition juive, implique que la personne soit, pendant Kippour mais aussi le reste de l’année, dans la quête permanente d’un équilibre personnel tant dans son rapport à lui-même que dans son rapport aux autres et au divin. Ni contrition extrême, ni auto flagellation démesurée, pas plus qu’arrogance et surestime de soi. Yom Kippour doit être un temps où l’on remet les compteurs à zéro afin de réfléchir à la place que l’on occupe dans le monde, et la place que le monde occupe par rapport à soi-même, puisque nous sommes, chacun, le centre de notre propre monde.

L’exemple est donné par le grand-prêtre lorsqu’après la description de ce qui constitue son service du jour de Kippour au Temple, la Torah nous dit « Vayekhaper beado, ouvead beito, ouvead kol bet Israel » => Il expie pour lui, pour sa famille et pour tout le peuple. Ce n’est qu’après, en homme « purifié », libéré, équilibré, qu’il peut entrer dans le Saint des Saint et s’adresser à Dieu par Son nom ineffable qu’on ne prononce jamais, dans cette posture de dialogue et de confrontation qui, d’après Hermann Cohen, n’est possible que dans le monothéisme, est la définition même du monothéisme éthique, cette « posture devant Dieu » qui fait de l’homme un Homme et qui donne sa juste place à Dieu.

On peut évidemment s’interroger, spéculer sur ce qui peut bien se passer dans la tête d’un homme comme le grand-prêtre lorsqu’il est engagé dans un rapport symbolique avec Dieu « panim el panim » « faces à faces » comme le dit la Torah à propos de Moché. Une autre histoire humoristique met en scène ce même rabbi Lévi-Itzhak de Berditchev qui s’adresse ainsi à Dieu, en présence de tous les fidèles, le jour de Kippour : « Maître du monde ! Si tu as l’intention de nous donner une nouvelle année pleine de douceurs, décide-le et inscris-le immédiatement dans le livre de la vie. Mais si, au contraire, Tu prévois pour nous une année dure et amère, alors je Te rappelle que Toi non plus, Tu n’as pas le droit d’écrire à Kippour ! »

Chers amis, c’est dans cet esprit qu’il faut se souhaiter mutuellement, après avoir chacun réalisé une journée la plus réussie possible sur le plan de l’introspection et de la prière, « Gmar Hatima Tova », une bonne « fin d’inscription et signature » dans le livre de la vie. Remarquez bien, on ne se souhaite pas d’être purifié et lavé de toutes nos fautes, car ce n’est pas de l’ordre du souhait qu’on demande à Dieu, mais bien d’une possibilité qui nous est offerte si on sait la choisir. Le judaïsme refuse les postures attentistes de soumission aux déterminismes, qu’il soit de la nature, de la société ou du divin. Si l’on demande à ce que Dieu « appose son sceau, prenne acte de l’inscription », c’est parce qu’au préalable il revient à chacun d’entre nous de s’inscrire, d’affirmer son existence et sa présence, car rien n’est jamais acquis d’avance.

De même qu’il revient à la communauté Massorti de Nice de constamment réaffirmer sa présence et son droit à l’existence, car rien n’est jamais acquis d’avance.

Puisse cette année 5772 voir chacun de vous s’inscrire, s’engager, militer, faire des projets, et nous souhaitons de tout cœur à Maayane Or avoir l’occasion de vous compter parmi nous avant Yom Kippour prochain.

Gmar Hatima Tova


[1] "L'Ethique du Judaïsme", Paris, Cerf, 1994, p. 148.
[2] Cité dans Sébastien Allali, "Les Trompettes d'Argent", éd. Lichma, Paris 2008, p. 76.

Roch Hachana 5772

Chers amis,

Contrairement à d’autres fêtes du cycle de l’année juive, qui sont beaucoup plus riches en Mitsvot, Roch Hachana n’a qu’une mitsva, ancienne, forte et très symbolique : le chofar.

Ancienne, car il s’agit d’un commandement biblique : Roch Hachana est aussi appelé « Yom Teroua » le jour de la sonnerie. Le génie de la Torah consiste à justement ne pas donner de signification à cette sonnerie, ce qui laisse le champ libre à toutes les interprétations postérieures.

Pour en citer quelques unes, certains y ont vu un rappel de la création du monde, puisque Roch hachana est en quelque sorte « Hayom Harat Ôlam » : l’anniversaire du jour où le monde fut formé. Dans l’antiquité, une façon de célébrer les anniversaires était d’ordonner des sonneries dans tout le pays, comme certains font des coups de canon.

Le rappel de la révélation du Sinaï, puisque le chofar faisait partie des sons que les Bené Israël ont entendu.

Le rappel de l’épisode de « Aqédat Itshak », la ligature d’Isaac dans lequel intervient un bélier.

Un signe de rassemblement/avertissement, de compte du temps.

Un signe de déclaration de guerre contre les ennemis.

Un symbole, suivant les auteurs, de joie ou de peur.

Toutes ces interprétations, compilées par Saadia Gaon un des grands maîtres des générations directement consécutives à la fin de la compilation du Talmud de Babylone, les compile et les résume, avec d’autres encore, et vous pouvez en avoir un aperçu dans votre Mahzor. La difficulté, lorsqu’on prétend étudier le judaïsme et y trouver du sens pour notre vie quotidienne, est de faire un choix dans ce « flot » d’interprétations qui, chacune étant cohérente en soi, est difficile à maîtriser dans sa globalité.

Il faut donc tenter de faire abstraction de tous ces commentaires, chercher en soi un questionnement, une impulsion un début de piste qui nous mettra sur une route sur laquelle, une fois pris un certain élan, nous choisirons de nous aider/nous faire guider par certains textes de la tradition… ou pas.

La Torah, nous demande, à Roch Hachana, de sonner du chofar. Certains disent que le chofar est le premier instrument de musique, venu du fond des âges. Pour moi cette affirmation entraine une question, qui serait un bon sujet de dissertation : le chofar est-il un instrument de musique à proprement parler ? Oui par certains aspects, non par d’autres. Un chofar produit des sons qu’un être humain ne pourrait pas produire tout seul. Mais ces sons ne peuvent être modulés pour former une mélodie, ils seront inutiles pour faire chanter ou danser. La seule chose que l’on peut moduler avec un chofar c’est le rythme des sons, dans une certaine mesure.

L’action de sonner du chofar fait appel à une propriété humaine fondamentale, certainement la plus ancienne et la plus fondamentale, celle qui nous unit tous : le souffle, la respiration. Parmi toutes les disparités, les inégalités qu’il peut y avoir entre les êtres humains, petits, grands, forts, faibles, sourds, aveugles, handicapés etc. tous les êtres humains respirent. Par conséquent tout le monde est capable de sonner dans un chofar (avec un peu d’entrainement…).

Les commentaires qui indiquent que le chofar rappelle la création de l’homme ne disent pas autre chose : en quoi le chofar peut-il bien rappeler cet épisode de la genèse si ce n’est un évoquant le fait que l’homme a été créé à partir du souffle divin… ainsi, avant même l’action de sonner dans le chofar, le sens, le rappel, la signification se produit dans l’action d’inspirer profondément avant de commencer à souffler.

Si le son qui sort du chofar, je crois, ne peut être comparé à une musique ni une mélodie, le son qui s’y approche le plus est le cri. Le souffle humain, amplifié par la corne qui, par sa vibration, lui donne un timbre et une ampleur qu’il n’aurait jamais pu atteindre seul, se transforme en un cri primaire, primitif, animal. Une dimension animale augmentée par le fait que le chofar, pour être cacher, doit être issu d’un animal, en l’occurrence un bélier.

Enfin, pour tous ceux qui ne sonnent pas directement du chofar, la mitsva est de l’écouter (lichmoâ kol chofar) et écouter ce n’est pas entendre. Écouter c’est prêter attention et trouver un sens. C’est essayer de trouver, suivant une expression de la michna, kavanat halev, la direction du cœur.

Ainsi, tout ce qu’on nous demande à Roch Hachana, ce jour dont la signification est multiple (premier jour de l’année, anniversaire de la création du monde, jour du jugement, jour du souvenir, jour de la repentance…) c’est de produire et d’écouter ce son, se rattacher à une attitude animale, bestiale, de cri/hurlement. A quoi correspond ce cri ?

Mon commentaire préféré est celui de Maïmonide, qui voit dans le son du chofar une dimension de « Hitôrérout » de réveil : « réveillez-vous, sortez de votre torpeur » (Hilkhot Techouva). Le son du chofar a pour but de nous réveiller. Or, si nous avons besoin de nous réveiller, c’est donc que, sans vraiment le réaliser, nous étions endormis. Endormis dans l’hyperactivité quotidienne, ces milliers de choses à faire qui nous submergent. Endormis dans les différents cycles de la vie qui, en nous emprisonnant dans l’immédiateté et la réactivité, l’action mesurable, quantifiable, nous font oublier notre première condition d’être respirant, réceptacle d’un don : le souffle (et en hébreu les mots « souffle » et les mots « esprit » se confondent). Voilà je crois la plus belle signification du chofar : ni départ en guerre contre les ennemis ni rappel d’un anniversaire, simplement de réveil spirituel, qui, s’il est possible chaque jour de l’année, est favorisé, aidé, amplifié par la sonnerie de ce « réveil », cet appel issu des profondeurs de la respiration.

Evidemment, pour les juifs, le réveil spirituel ne peut être qu’un début, le commencement d’un mouvement qui trouvera son débouché dans l’action : voir le commentaire rabbinique dans un Midrach très ancien (Vayikra Rabba) sur le mot « chofar » : « chaprou maassekhem » => "ameliorez vos actes".

Après le chofar, j’aimerais aborder un autre symbole de la fête, qui est aussi présent dans l’imaginaire populaire qu’il est absent des sources rabbiniques : on représente partout Roch Hachana avec une pomme et du miel. Si la tradition du seder de Roch Hachana, avec divers ingrédients, provient de sources anciennes et est riche de sens et de symbolique, si la symbolique même de cette pomme qui est un fruit acide soit adoucie par le miel est facilement compréhensible, j’avoue avoir un peu de mal avec cette phrase standardisée qu’on entend à tout bout de champ : « je vous souhaite une année douce comme le miel ».

Personnellement, certains à Maayane Or le savent, j’aime beaucoup le miel, à petites doses, surtout dans les pâtisseries orientales. Mais de là à souhaiter aux gens de passer une année qui ressemble entièrement à ce liquide visqueux, poisseux, gluant, écœurant… je ne trouve pas cela très engageant.

Je préfère de loin vous souhaiter une année entièrement influencée par la vibration du chofar, sa tonalité, sa densité de son… et de significations. Une année dans laquelle chaque jour, chaque instant soit orienté par le désir de se réveiller, de s’améliorer, d’avancer, d’approfondir, de créer, de s’engager, de militer. Une année de pleine réalisation de ce qui fait la spécificité de la condition humaine : le souffle et l’esprit.

Chana Tova