Hayé Sarah 5773 (par Maayane meyer)


"La Vie de Sarah" que je traduirai plutôt par "Deux mariages et un enterrement" ou encore "Sois belle et tais-toi".

C'est ainsi en effet que j'aborde cette paracha : autour d'une présence /absence, d'une vie marquée par sa part prophétique c'est vrai, mais surtout par sa part humaine, de femme tout simplement.
Voici donc une saga, celle de Imanou, notre 1ère matriarche.
Et alors qu'elle devait nous conter les évènements d'une vie, eh bien elle commence par un enterrement ! Et justement celui de l'héroïne ! Comme pour dire que c'est de son absence dont il va être question, comme d'ailleurs dans les parachiot précédentes comme je vais vous le rapporter d'après le texte même.

Sarah commence à être citée comme épouse. Epouse d'Abraham, fils de Terah, chef du clan quittant Ur Quasdim, pays idôlatre.
Les midrashim la mettent en scène soit comme demi-sœur d'Abraham, soit comme sa nièce ... bref elle n'existe que par rapport à ……
Elle suit le mouvement du clan mené par son époux et arrive en Egypte où, très cavalièrement, pour se sauver et sauver sa tribu, Abraham la déclare comme étant sa sœur plutôt que sa femme…..
Le même scénario se produit un peu plus tard devant le roi Abimelek ……
Sarah, objet, que l'on prend, que l'on donne, qu'on ne considère que par les avantages qu'on peut en tirer, à savoir principalement son apparence, sa beauté !
Ajouté à cela, sa stérilité, c'est-à-dire son impuissance à engendrer, à transmettre.
Femme donc décrite comme n'ayant pas de vie propre. N'étant en rien actrice de son histoire.
Commentaire désabusé vous en conviendrez, mais tout-à-fait possible.
Mais voilà, c'était sans compter sur Dieu, un Dieu plus féministe qu'il n'y parait !
Lorsque Sarah est livrée de manière assez peu élégante par Abraham au Pharaon, eh bien, Dieu fait en sorte que rien ne se passe entre elle et le monarque. Il envoie une série de plaies à l'Egypte que le Pharaon décrypte et attribue au "rapt" de Sarah appartenant déjà à un autre homme.
Et nous avons droit au même scénario, plus tard, avec Avimelek.
Dieu se manifeste donc. Il redresse le cours de l'histoire des Bnei Israel que les hommes, Abraham pour être précis, allaient détourner de son but.  
Puis, quand Abraham reçoit la visite des anges, il demande à Sarah de préparer le repas. Elle s'y s'empresse !
Sarah n'y est toujours pour rien ………

Elle commence vraiment à être sujet lorsque la naissance d'un fils lui est annoncé (ce n'est encore pas d'elle que ça vient, même si on voit bien que Dieu veille sur elle) : elle rit ! C'est sa manière à elle d'exprimer ce qu'intimement elle ressent. Elle pose enfin un acte dont elle est responsable !
Elie Munk avance une interprétation un peu iconoclaste : ce vocable signifierait "fait rire". Eprouverait-elle de la honte devant les autres ? "Que va-t'on penser de moi ?" se dit-elle.
Mais tenons-nous en à l'interprétation classique : son fils, Isaac portera le nom de son désir. C'est en tant que mère, c'est-à-dire d'origine de l'engendrement, qu'elle marquera cet épisode de la saga des Bnei Israel : elle sera mère malgré la nature, elle défendra devant Abraham, sa position de femme légitime face à sa rivale Hagar et surtout elle affirmera la place de son fils Isaac car elle pressent –et c'est là que son don de prophétie se révèle-, qu'il est l'héritier et le seul vrai porteur du message divin.
D'ailleurs, Abraham est contraint de céder à cette parole car une nouvelle fois, c'est Dieu "en personne" si j'ose dire, qui donne du "kavod" à Sarah en enjoignant Abraham d'honorer et de  respecter les dires de Sarah. C'est elle qui détient le cours de l'Histoire.
Là, on  peut enfin dire que Sarah est la prophétesse n°1 de notre Histoire, puisque par son action, elle révèle le futur. Jacques Lacan dit une jolie chose à ce sujet :    
"La Révélation comme telle, à savoir la parole comme porteuse de vérité".
Mais revenons aux 1er versets de la paracha et continuons : la vie de Sarah est condensée en quelques mots nous signifiant ………. sa mort.
Sarah, que la naissance d'un fils a couronné sa vie de femme, eh bien Sarah s'entend dire –soit par le diable, dit un midrash, soit par la "rumeur" que son fils, son unique vient d'être tué par son propre époux…
Tout ce à quoi elle a adhéré sa vie durant, tout ce qui lui donnait un sens, s'effondre : le respect et la fidélité à son époux, l'amour de son fils, la foi en ce Dieu qui s'est révélé à elle …… Tout ça pourquoi ?
Car ce n'est ni le sacrifice d'Isaac (pseudo en réalité) ni l'épreuve infligée à Abraham qui s'avèrera mortelle ;  non, la victime c'est elle qui voit sa vie, ses 127 ans, ses certitudes, ses espoirs anéantis…. Elle n'est plus soutenue par rien…. Elle renonce à la vie.

Alors, c'est vrai, elle a droit à un bel enterrement de la part d'Abraham qui ne lésine pas sur les moyens ni financiers (il insiste pour acheter à prix fort le caveau), ni spirituels (il veut que Sarah soit la 1ère à être ensevelie près d'Eve et d'Adam afin d'initier un rite funéraire universel).
Et pour couronner ce qui s'intitule "La vie de Sarah", deux mariages : celui d'Isaac avec Rébecca (Isaac n'est donc pas mort et elle, Sarah, serait morte pour rien ?) et, celui, ironie de tout, d'Abraham avec Ketoura qui, selon le midrash, n'est autre que Hagar, honnie par Sarah.

Je vous l'accorde, ces commentaires très personnels sont un peu déprimants. D'autres existent, plus rassurants. Je vous invite à les consulter afin d'édulcorer ce regard assurément trop sombre.……..

M.A. Meyer
Novembre 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire