Vaéra 5773 (par Joanna Kubar)


Shabbat Shalom
Au début de la parasha de ce Shabbat - « Vaera », car le récit commence par le rappel par Dieu à Moshé, qu’il est apparu, va-era, à ses ancêtres Abraham, Isaac et Jacob - Dieu fait la promesse à Moshé d’adopter le peuple d’Israël et de le délivrer de l’esclavage : « je vous affranchirai avec un bras étendu, à l’aide de châtiments terribles. »
Voici le récit des sept premières plaies:
1) Sur l’ordre de Dieu, Moshé et Aaron demandent à Pharaon de renvoyer le peuple d’Israël pour qu’il puisse adorer son Dieu. Le pharaon n’obéit pas.
Dieu ordonne à Moshé et Aaron d’aller trouver le Pharaon le matin quand il se dirige vers le fleuve, et de changer les eaux en sang (première plaie).
2) Sur l’ordre de Dieu, Moshé et Aaron demandent à Pharaon de renvoyer le peuple d’Israël pour qu’il puise adorer son Dieu. Le pharaon n’obéit pas.
Dieu ordonne à Moshé et Aaron d’aller trouver le Pharaon et de faire monter du fleuve les grenouilles qui envahissent tout le pays (deuxième plaie).
3) Sans un nouvel avertissement, Dieu ordonne à Moshé et Aaron de transformer la poussière en vermine (troisième plaie). Le Pharaon refuse d’obéir.
4) Dieu ordonne à Moshé et Aaron d’aller trouver le Pharaon le matin quand il se dirige vers le fleuve et demander de renvoyer le peuple d’Israël pour qu’il puise adorer son Dieu. Le pharaon n’obéit pas. Dieu envoie les bêtes sauvages qui détruisent tout, sauf le pays de Goshen (quatrième plaie).
5) Dieu ordonne à Moshé et Aaron d’aller trouver le Pharaon et demander de renvoyer le peuple d’Israël pour qu’il puise adorer son Dieu. Le pharaon n’obéit pas. Dieu fait périr tout le bétail des Egyptiens mais pas le bétail du peuple d’Israël (cinquième plaie).
6) Sans un nouvel avertissement, Dieu ordonne à Moshé et Aaron de lancer la cendre vers le ciel et la transforme en éruption d’ulcères (sixième plaie). Le Pharaon refuse d’obéir.
7) Dieu ordonne à Moshé et Aaron d’aller trouver le Pharaon le matin quand il se dirige vers le fleuve et demander de renvoyer le peuple d’Israël pour qu’il puisse adorer son Dieu. Le Pharaon n’obéit pas. Dieu fait pleuvoir une grêle intense qui détruit tout, sauf le pays de Goshen. C’est la  septième plaie et c’est la fin du récit pour cette semaine.

Dans ma drasha il y a deux ans je me suis interrogée sur le comportement du Pharaon. Au sujet de ses refus répétitifs j’ai émis des hypothèses inspirées par les recherches en neurosciences. Egalement j’ai posé la question que tout le monde se pose d’habitude : pourquoi Dieu qui est tout puissant impose les plaies à l’Egypte au lieu de libérer les hébreux simplement et sans souffrances. En réponse j’ai cité le commentaire d’Etz Haim, (une publication du mouvement Masorti): Dieu veut que le Pharaon, l’Egypte, et les nations, le reconnaissent en tant que Dieu unique mais ce n’est pas pour faire briller sa réputation. C’est pour démontrer et établir le principe qu’il est inacceptable qu’un être humain réduise un autre être humain à l’esclavage. C’est pour prouver que la liberté c’est la volonté de Dieu et non un bon vouloir ou un choix d’un tyran.
Je répète ici ce commentaire car je crois qu’il est d’importance capitale, mais je ne m’y arrête pas.

Aujourd’hui je souhaite m’interroger sur le comportement de Moshé et Aaron qui, contrairement au comportement du Pharaon, n’est pas souvent analysé. Au delà d’une structure littéraire élaborée, nous voyons leur comportement répétitif : Moshé et Aaron adressent une demande au Pharaon. Le Pharaon refuse d’accéder à leur demande. Ce refus est suivi d’une punition sans effet. Moshé et Aaron adressent de nouveau leur demande au Pharaon. Ils se heurtent à un nouveau refus. Ce nouveau refus est suivi d’une nouvelle punition qui reste toujours sans effet. Et caetera. 9 fois !

Le comportement de Moshé et Aaron est le plus souvent considéré comme allant de soi. Ils persévèrent. Ils ne se découragent pas. Ils persistent. Ils tiennent bon. Ils n’abandonnent pas. Ils ne capitulent pas. Ils sont exemplaires ! C’est vrai qu’ils ont Dieu avec eux. Mais oublions un instant l’aide divine car dans nos vies elle n’est pas explicite ; pour nous la protection et l’aide divine ne sont pas, souvent, faciles à percevoir.

Dans notre vie réelle nous devons parfois faire face à un échec et parfois cet échec devient répétitif. Nous n’avons pas l’accès direct à l’opinion divine. Face aux revers successifs, nous nous posons des questions. Nous devons nous les poser, pour en sortir.
Tout d’abord il est parfois difficile d’établir que notre but soit valable ou que notre demande soit légitime et d’en être sûr.
Et même quand nous sommes raisonnablement persuadés du bien fondé de notre objectif, ou de notre requête ou de notre désir, il est parfois difficile de reconnaître qu’ils sont impossibles à satisfaire. Que les forces en présence, humaines ou naturelles, soient en notre défaveur. Il est parfois difficile de ne pas confondre persévérer et s’entêter ; persister et se battre contre les moulins à vents ; continuer et traîner sur place. Ainsi persévérer peut conduire parfois à s’enfoncer dans l’échec.
Persister ou abandonner ? Continuer ou arrêter ? De telles interrogations surviennent dans les circonstances les plus diverses, dans les relations individuelles - dans la famille, parmi les amis, et dans les interactions collectives - administratives, commerciales, politiques, nationales et internationales, …
En conclusion, contrairement à Moshé et à Aaron conduits par la parole directe de Dieu, nous-mêmes, nous ne pouvons compter que sur ses indices indirects, discrets et incertains. Ainsi nous restons avec les questions, c’est souvent difficile mais c’est bien ainsi.
En conclusion, nous sommes guidés par notre expérience, nos conversations, nos lectures et notre tradition. Mais seulement guidés. Dans la vie les interrogations, le recul, le doute sont nécessaires et salutaires.


Shabbat Shalom

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