Mikets 5772 (par Romain Nouchi)

« Soyez saints, car Je suis saint, Moi, l’Eternel votre Dieu ». 
C’est par cette injonction que commence La paracha Kedochim. A sa suite sont énoncés de nombreux commandements par l’accomplissement desquelles les Juifs se sanctifient et établissent un lien avec la sainteté de Dieu. Trois de ces mitsvot sont :
« Ne va point colporter le mal parmi les tiens »
« Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur »
« Ne te venge pas et ne garde pas rancune ».
Si je commence cette dracha par ces mots tirés du Lévitique, c’est qu’ils ont un lien direct avec la paracha de cette semaine, Mikets.

Depuis l’arrivée de Jacob a Haran, nous assistons à une saga familiale des plus agitées. Et c’est précisément dans la paracha Mikets, que celle-ci prend fin. La fratrie conflictuelle est un thème récurrent de la genèse, et ce depuis le récit de Caïn et Abel qui se solde par un meurtre fratricide, se poursuit avec Isaac et Ismaël, qui eux se séparent dès l’enfance, puis Jacob et Esaü, en lutte pour le droit d’ainesse. En hébreu, « être frère » signifie également  coudre des liens. Visiblement c’est un échec.

Les disputes entre Joseph et ses frères débutent dans la paracha précédente, Vayecheve, et ils iront  de mal en pis. On nous dit que Jacob c’est installé dans le pays où son père Abraham a séjourné, le pays de Canaan. « Vayecheve », le premier mot de la paracha, signifie « installé », ce qui est fondamentalement diffèrent d’Abraham qui lui, y a séjourné. A ce propos, le Midrash nous enseigne qu’à chaque évocations du mot Vayecheve « installé », une catastrophe c’est produite dans la Torah, entre autre quand les Hébreux ce sont installé au pied du mont Sinaï, juste avant le veau d’or. Les sages du Talmud nous mettent également en garde sur le risque encouru lorsque l’on s’installe. Quitter le nomadisme physique, entraine également l’immobilisme intellectuel et l’oublie de la fragilité de l’être, comme si la conscience morale devait toujours rester en éveil. Comme il est dit « les justes ne connaissent pas le repos ». Jacob a lutté toute sa vie, contre son frère, et ce dès le ventre de leur mère, contre Laban, pour ses épouses, et avec l’ange de Dieu. Il est un combattant fatigué qui aspire à une retraite paisible. Mais avec 12 fils et 4 femmes, son repos semble compromis.
Si Laban n’avait pas empêché Jacob d’épouser Rachel avant Léa, Joseph aurait été son 1er fils, ce qu’il aurait souhaité. Et voilà, une fois de plus le droit d’ainesse entraine des rivalités.  Jacob, installé, semble ne pas avoir tiré les leçons de sa propre expérience. Ainsi il offre à Joseph un vêtement de couleur qui le distingue d’entre ses frères. Quelle maladresse ! S’il avait étudié le Talmud, il saurait que les parents ne doivent pas montrer de préférence pour l’un des enfants. Du coup, les frères de Joseph le jalousent et leurs relations se dégradent. Joseph était jeune berger avec ses frère nous dit le texte,  « avec » que nous pouvons aussi traduire « par » ou « de » ses frères, ce qui fait résonnance à la réponse de Caïn face à Dieu, « suis-je le gardien de mon frère ? », suis-je le berger de mon frère ? Joseph endosse donc une certaine responsabilité qui l’amènera à s’inquiéter de l’entente fraternelle, puisqu’il ne supportera pas les paroles médisantes de ses frères, et ira les rapporter  à son père. Un comportement peu judicieux, qui lui vaudra l’exclusion du groupe des fils de Léa,  première femme de Jacob. Le verset qui suit nous dit : « Joseph demeurait avec les fils de Bilha et Zilpa ». Les épouses de Jacob certes, mais surtout les servantes de Léa. Ses frère le haïssent et ne lui parlent plus en en paix. La situation peut-elle être pire ? Eh bien oui, Joseph fait 2 songes qu’il raconte à ses frères. Influencés par leur haine, ils les interprètent comme une provocation, Joseph à travers ses rêves, voudrait leur dire qu’il souhaite régner sur eux. Ce qui est faux. Jacob intervient, enfin, il réprime Joseph, le gronde, mais sans grande conviction puisque le texte nous dit «il garda la chose ». La haine et les non-dits ont bien gangrené la situation, le conflit peu éclater. Les frères de Joseph lui arrachent son vêtement de couleur, le vendent comme esclave, et le font passer pour mort auprès de leur père. Il est intéressant de remarquer l’absence de Dieu dans toutes ces péripéties, même si l’on suppose que c’est Lui qui envoie les rêves à Joseph, le texte ne le mentionne pas, Dieu n’intervient donc pas, comme si cette dispute devait se régler entre eux seulement.

En Egypte, 12 ans s’écoulent pendant lesquels Joseph passe de l’état d’esclave à celui de prisonnier, pour finir à la tête de toute L’Egypte. Après 7 ans d’abondance économique, une famine fait rage, touchant tout le pays et ses alentours. Comme ce fut le cas pour Abraham, Jacob envoie ses fils en Egypte pour y acheter des ressources, mais Benjamin le plus jeune, reste. Joseph à force d’épreuve, a gagné en maturité, il est également un homme de terrain, et c’est lorsque qu’il se trouve dans la dernière grange encore en activité, qu’il voit arriver ses frères. Eux ne le reconnaissent pas. Va-t-il se venger ou bien chercher la réconciliation ? Joseph leur parle durement, « vous êtes des espions, c’est pour voir la nudité du pays que vous êtes venu » ! Ce qu’il dit comporte un double sens : en mentionnant la nudité du pays il fait référence à sa propre nudité lorsque ses frères l’ont dévêtu pour le jeter dans le puits. C’est pourquoi la réponse de ses frères ne lui convient pas. Et comme dans un interrogatoire, il insiste et formule l’accusation trois fois de suite pour les obliger à se dévoiler. Il attend des informations, il s’inquiète de savoir si son père est toujours en vie, si son petit frère de sang Benjamin, a subit les mêmes mésaventures que lui, face au poids de la fratrie, mais aussi il veut que ses frères mentionnent son existence. Et ça marche ! Après lui avoir dit  « nous sommes tous fils d’un seul homme »ils se reprennent et répondent « nous sommes 12 frères, le plus jeunes est resté avec notre père, et l’un n’est plus » les souvenirs ressurgissent. Joseph échafaude un plan risqué qui peut définitivement dissoudre la famille. Il maintient qu’ils sont espions et ainsi, ses frères sont à leur tour bouc émissaire. Il les place en prison et leur offrira la liberté à l’unique condition que l’un d’entre eux  revienne avec Benjamin. Durant trois jours d’incarcération, nous pouvons imaginer l’angoisse et la peur vécu par les neuf frères, quand ils ont évoqué l’existence d’un frère qui n’est plus. On imagine qu’à huis-clos les remords font enfin surface, ils se sentent coupables et Ruben l’ainé, se disculpe en les accusant. Après ces trois jours, Joseph change un peu sa stratégie, il décide finalement d’en garder un, contraignant ainsi ses frères à revivre l’abandon de l’un d’entre eux, mais aussi la confrontation avec leur père lorsqu’ils lui annonceront. Avant leur départ, Joseph fait remplir leurs bagages de blé et restituer l’argent destiné à cet effet. Rendez-vous compte leur surprise une fois à la maison, lorsqu’ils ouvrent leurs sacs et que l’argent en tombe, et la réaction de Jacob ! Les croit-il ? Pour la seconde fois ils reviennent avec de l’argent en plus, comme lors de la vente de Joseph, et sans l’un d’eux, et tout en se plaignant de la dureté avec laquelle  Joseph c’est adressé à eux, ils réclament à Jacob son plus jeune fils Benjamin, pour y retourner. Ruben tante bien de le convaincre en lui proposant le sacrifice de ses deux fils s’il ne le ramène pas mais cette attitude est complètement irresponsable, cela ne fera qu’empirer les choses en ajoutent deux morts à une macabre liste qui s’allonge. Bien entendu Jacob refuse. Il faudra attendre que les réserves soient épuisées, pour que l’un d’eux se révèle enfin et fasse front à cette situation de détresse, cet homme, ce mench comme on dit en yiddish, c’est Yehouda, celui-là même qui a pris l’initiative de vendre Joseph. Juda dit à Israël son père : « Envoie le jeune homme avec moi, que nous puissions nous disposer au départ ; et nous survivrons et ne mourrons pas, et nous et toi et nos familles.  C’est moi qui répondrai de lui, c’est à moi que tu le réclameras : si je ne te le ramène et ne le remets en ta présence, Je serai coupable à jamais envers toi. » Pour la première fois dans la Torah nous entendons ceci, un frère se porte garant d’un autre. Jacob acquiesce, il leur dit : « Puisqu’il en est ainsi, alors, faites ceci : mettez dans vos bagages des meilleures productions du pays, et apportez-les en hommage à cet homme : un peu de baume, un peu de miel, des aromates et du lotus, des arachides et des amandes… » Le suspense est insoutenable, et enfin la délivrance, il consent à leurs laisser emmener Benjamin. Arrivé en Egypte Joseph reçoit ses frères pour un grand diner, visiblement ils lui ont manqué, mais Joseph leur prépare un deuxième coup. Avant leur retour, il fait placer sa coupe dans le sac de Benjamin. Juste avant de quitter le pays, les gardes les rattrapent et les fouillent du plus vieux au plus jeune, la tension était descendue mais voilà qu’elle regrimpe en flèche, nous savons bien qui va se faire prendre, mais l’attente est insupportable jusqu’à l’arrestation de Benjamin. Son sort est l’esclavage, quant aux autres, ils sont priés de rentrer chez eux. Mais cette fois-ci, personne ne rentrera sans que la fratrie soit au complet.

La métamorphose finale a lieu. Benjamin accusé à tort, ses frères s’interposent entrainés par Yehouda, qui devant Joseph argumente tout un plaidoyer pour que sont frère Benjamin soit laissé libre de retrouver leur père, quitte à prendre sa place. Sur ces mots Joseph ne peut se contenir, il fond en larmes et se dévoile à ses frères, il espérait tant cette transformation qui apportera la réconciliation, il les aime. Ses frères sont affligés et se confondent en excuse. Joseph les console en leur disant qu’ils ont mal agi, mais que Dieu a transformé ce mal en bien, car si le choix de faire le bien ou le mal nous est donné, Dieu a néanmoins un projet. Il avait prédit à Abraham que sa descendance serait étrangère dans un pays qui n’est pas le sien, et cette réconciliation amènera les 70 personnes du clan de Jacob en Egypte, et de ceux-ci naitra un peuple, qui recevra la Tora et l’accomplissement d’une promesse. Jacob, qui n’était plus que l’ombre de lui-même depuis un certain temps, ne vivait que dans l’espoir de voir se réaliser un jour cette réunification. Il mourra en paix.

CHABBAT CHALOM

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