Choftim 5773 (par Maayane Meyer)

Ce chabat nous lisons la paracha "choftim". Il s'agit du rappel synthétique des directives relatives aux pouvoirs judiciaire et législatif devant régir le peuple hébreu sur la terre que Dieu leur a destinée. De nombreux exemples sont développés dont le meurtre et l'adultère -placés ici sur le même plan-,  la guerre et ses obligations "humanistes" et enfin l'idôlatrie.

Mais je voudrais revenir de manière plus globale, sur le livre qui contient cette paracha, Devarim – Paroles-  celles que Moché adresse aux Bnei Israel au bout d'une errance de 40 ans dans le désert, au seuil de la terre promise terminologie que Lévinas interrogera et transformera en : terre permise, oui/non ?  C'est là tout l'enjeu et le message actuel de ce Livre que Moché signe en en faisant son testament.
Or donc Moché rassemble le peuple et re-énonce de façon condensée les paroles qu'Elohim, au Sinaï, lui a dictées pour qu'il les transmette lui-même aux enfants d’Israel. Mais ici, c’est une parole humaine, dite par un homme, directement, sans intervention divine. Moché le plus grand des prophètes qui était de « bouche pesante » devient, au terme d'un parcours de vie initiatique, le chef, orateur talentueux, d’un peuple.
 Ici, il parle à la première personne et, comme Jacob sur son lit de mort, rappelle les lieux où les Bnei Israel ont commis de graves fautes à l’égard d’Elohim, fautes qui restent dans la mémoire pour précisément servir d'expérience à ne pas renouveler. Mais il n’est ni dupe ni naïf : il sait que les hébreux recommenceront….. Pourtant, il se sent appelé, il obéit à une force qui le dépasse mais qu'il sait être la ligne de vie que doit suivre son peuple. Il le met malgré tout en garde, une nouvelle fois, sans hésiter, habité qu'il est par le Message.
Aussi commence-t’il par le domaine de la Justice  qui doit régir tant les relations sociales que politiques afin de constituer une société au socle éthique : plus de miracle à espérer dans cette nouvelle ère de l’épopée hébreue : plus de mer qui se fend contre toute attente ; plus de manne inespérée qui tombe des cieux ; plus d’ennemi qui soit tenu à l’écart.   Non, c'est ici et maintenant, qu'il incombe aux hébreux de construire un "vivre ensemble" selon les lois édictées par Dieu lors de la génération précédente au Sinaï et rappelées pour être appliquées aujourd'hui par un homme pour des hommes lorsque, lui, le chef suprême, le prophète d'entre les prophètes ne sera plus.




Devarim est une sorte de « michné tora » avant l'heure, c’est-à-dire répétition de la Tora ou « deuxième Loi (deutéro-nome). On pourrait croire que Moché a fait du « copier/coller » ! Or, vous savez bien que dans la Tora, jamais une phrase ou même un mot, qui parait redit, ne l’est vraiment. Il est au contraire source d’une nuance, d’une interprétation, d’un sens nouveau. Il faut donc savoir relire et ré-écouter ces Paroles comme une « loi orale », au miroir de l’évolution du peuple,  de l’Egypte… au Désert et ……à la Terre Promise. C'est la torat Moché.

Aujourd’hui, au regard de l’évolution des sociétés et surtout de la critique biblique contemporaine, des archéologues, des linguistes, des ethnologues se sont posé des questions sur l’origine de l’auteur réel de ce Livre, de l’époque et des lieux où se serait situé le récit.
A quel mode de composition et à quel style peut-on le relier ? Quand a-t’il été écrit ? Par qui ? Comment Moché a-t’il pu décrire sa propre mort ? Pourquoi n’est-il pas fait mention de Jérusalem comme centralité du Royaume d’Israel ? etc, etc.
A. Chouraqui dit même : « Le Deutéronome, tel que nous le lisons actuellement, passe pour une construction très élaborée, fruit d’une longue évolution ….».
Ce qui est certain, c’est son contenu éthique. Ni Rosenszweig ni Lévinas ne réfute l’authenticité du message divin même s’ils admettent que l’écriture en est humaine…
Ils s’interrogent sur le fond et la forme, pas sur le sens spirituel. Du coup, ils font rebondir les interprétations. 
Par exemple, quelles significations revêt aujourd’hui l’injonction de non-idolâtrie alors que notre société s’adonne à l’addiction de tout et n’importe quoi ? Que veut dire « présence divine » dans un lieu précis alors que le Temple n’existe plus ? Comment vivre ensemble alors que l’individualisme prospère ? Comment ne pas « mélanger » les genres alors que nous mêlons allègrement l’intime et l’extérieur ? Ces questions sont toujours d'actualité …..

Ce Livre donc –Devarim- reprend de manière saisissante La Parole de Dieu : il rappelle le passé épique d’Israël qui doit servir de base à son avenir en se fondant sur les Lois de la Tora une nouvelle fois répétée mais toujours créatrice de sens. 

Chabat chalom.
Maayane Meyer

Aout 2013

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