Chers
amis,
Dans
la paracha de cette semaine, Bo, nous assistons à la suite des négociations
entre Dieu et ses porte-paroles, Moché et Aharon, et Pharaon pour laisser
partir les hébreux. Au début il n’est pas question de les laisser partir
définitivement. Ils présentent leur demande comme une « autorisation de
sortie provisoire du territoire », afin de pouvoir faire une fête à leur
Dieu, « Hag la-hachem », pendant trois jours dans le désert. Au
départ Pharaon refuse catégoriquement, puis au fur et à mesure des épreuves et
des plaies, il se laisse adoucir et fait des pas en avant pour la
négociation : Vous n’avez qu’à faire votre culte ici, vous n’êtes pas
obligés de partir, allez-y sans votre bétail, sans vos enfants… Moché et Aaron
négocient en position de force (Dieu est de leur côté) et ne lâchent
rien : "Nous irons jeunes gens et vieillards; nous irons avec nos
fils et nos filles, avec nos brebis et nos bœufs, car nous avons à fêter
l'Éternel."
Pour
Pharaon, pour un Egyptien, le culte à un Dieu est et doit rester l’affaire
d’une caste de prêtres. Il veut bien accepter qu’y participent aussi tous les
hommes du peuple, mais l’idée qu’un peuple entier, hommes vieillards, enfants (et
même les femmes !), que tous ces gens puissent partir pour une fête
religieuse lui paraît incompréhensible. Il s’en méfie, flaire le piège, les
accuse de vouloir s’enfuir pour ne jamais revenir.
Si
j’osais, je dirais qu’il s’agit d’une sacrée ironie, ou d’une ironie sacrée…
les juifs insistent pour avoir le droit de prier avec leurs femmes !
Est-il
nécessaire de rappeler que dans l’optique biblique, dans la pensée monothéiste,
il ne peut pas y avoir d’intermédiaire entre Dieu et chaque être humain, et que
chacun a le droit de vivre sa relation avec le divin comme il l’entend. Dans la
théorie, personne n’a le droit d’exclure quelqu’un du peuple, puisque Dieu va
se révéler, dans la suite du récit, à la multitude, à la masse, tous réunis
autour du Mont Sinaï sans aucune distinction de caste ou de genre.
(Contrairement à une iconographie populaire cf. mon livre de l’Exode)
A
cela on objectera que par la suite il y eu dans le peuple une catégorie de
personnes qui, par la naissance, étaient exclusivement réservés, consacrés au
culte : les cohanim et Léviim. Certes, mais cette situation est le
résultat de circonstances pratiques :
- Il faut bien que quelqu’un s’occupe des sacrifices et de monter le michkan, et il faut que ce soit du personnel formé.
- Il est bien spécifié que ce n’est qu’une situation liée à un certain contexte, mais que le but final du peuple juif est d’être « une nation sainte et un peuple de prêtres ». Un peuple de prêtres ! pas un peuple où les hommes seraient prêtres et les femmes leur feraient la cuisine !
Le
format d’une dracha du vendredi soir ne convient pas pour faire ce que j’ai
déjà fait à d’autres occasions : expliquer par quel processus, par quelles
influences (souvent étrangères au judaïsme) les femmes se sont progressivement
retrouvées exclues du culte et des fonctions communautaires.
J’ai
aussi eu l’occasion d’expliquer pourquoi nous, juifs massorti, nous croyons que
ce mouvement n’est pas irréversible, et qu’il est possible de corriger ces
évolutions et de les adapter aux exigences de la société dans laquelle nous
vivons actuellement.
Mais
pour rester collé, concentré sur la paracha, Bo est l’occasion de parler du
premier commandement de la Torah, la première mitsva donnée à l’ensemble du
peuple juif : « Ce mois sera pour vous le premier des mois de
l’année… »
Le
premier commentaire de Rachi sur le premier verset de la Torah :
« [ce n’est pas le début] la Torah aurait dû commencer par le premier
commandement, celui qui se trouve dans la paracha Bo : « Ce mois sera
pour vous le premier des mois de l’année etc. » or si la Torah a jugé
utile de commencer par la création du monde c’est d’après Rachi, pour des
questions politiques… mais je ne reviens pas là-dessus. »
L’occasion
de rappeler que nous avons une conférence ce dimanche sur le calendrier
hébraïque (ce n’est pas une coïncidence !). Ce que M. Myara ne nous dira
pas dimanche, c’est que le compte des mois, comme tout ce qui a trait au cycle
lunaire, est une mitsva féminine.
Pourquoi
féminine ? A cause du cycle de 28/29 jours. C’est peut-être une nouveauté
pour certains (certaines) mais il y a des mitsvot féminines et des mitsvot
masculines. Il y a même des textes homilétiques d’inspiration cabbalistique
pour lesquels le peuple d’Israël tout entier est une femme, une fiancée, dont
l’amant est Dieu lui-même. Dans le texte de la Tora, dans cette même paracha,
Dieu dit à Pharaon « tu répudieras Israël comme on renvoie une Kala, une
femme de son foyer (pour le divorce).
Où
est-ce que je veux en venir ? Que de la même façon qu’il y a des lectures
masculines de la Tora, qui sont évidemment majoritaires dans la tradition
juive, des lectures féminines sont possibles. C’est un chantier qui s’est
ouvert il y a quelques années et qui est florissant. Mais c’est de la
responsabilité des femmes de ne pas laisser aux hommes le monopole des études
et du rapport avec les textes ou le culte, et d’investir massivement les lieux
où elles pourront trouver leur place, de façon militante.
Chabbat
chalom
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