C'est une des
toutes dernières sidrot du Deutéronome – Devarim- dernier Livre de la
Torah que nous allons commenter ce soir. KI TAVO c'est-à-dire "quand tu
arriveras".
Il s'agit pour
Moché de prévenir le peuple d'Israel que son installation "sur la terre
que le seigneur ton Dieu t'a donné en héritage" n'est pas un simple
emménagement mais qu'elle est assujettie à des lois incontournables comme on
dirait aujourd'hui, édictées par Dieu au Sinaï et que lui, prophète entre les
prophètes rappelle avant le passage décisif.
J'ai retenu
deux idées forces : l'une qui prend en charge tout le passé des tribus
d'Israel et l'autre énonçant ce qui a
été le moteur de l'histoire juive, l'élection d'un Seul Dieu et le choix d'un
seul peuple, peuple garant dirai-je.
Prenons donc premièrement
le concept de Lévinas de terre "permise". En fonction de quoi ?
Rappelez-vous le 1er ordre divin est un mouvement, le
"lekh lekha" édicté par Dieu à Abram. C'est le début du rejet
absolu de l'immobilisme, de la fixité tant morale que physique, c'est le refus
de l'idolâtrie, c'est la rupture d'avec tout le bain maternel (la terre, la
maison, le père) pour s'engager dans un premier temps, dans une voie d'exil et
d'esclavage, c'est-à-dire d'enseignement de ce qu'est l'autre. Pourquoi cet
horizon peu attractif et malgré tout porteur ? Car le peuple qu'Abraham aura la
charge de réunir doit vivre dans sa chair le besoin vital (la famine), l'exil
(ne pas avoir de lieu auquel se rattacher), l'asservissement (être étranger
soumis en terre étrangère). L'accent mis sur l'expérience vécue prime sur la
pensée quand il s'agit tout simplement de fonder une vie. Il y a là une grande
leçon que nos sages ont repris quand ils disent : "ne fais pas à autrui ce
que tu ne voudrais pas qu'il te fasse". "Tu aimeras ton prochain
comme toi-même car tu as été étranger…". Pour savoir de quoi on parle
avant d'en tirer des leçons définitives, il faut avoir vécu les expériences. Un
maître hassid dira :
"Les
rapports humains viennent avant la Torah » (derech eretz kadma le’Torah.).
Construire une
terre viable n'est permis que si et seulement l'Ethique et la Loi s'associent
pour constituer un projet, c'est-à-dire
qu'il convient d'associer ce qui maintient la vie du point de vue physiologique
–le pain, lekhem- et ce qui l'impulse –le rêve, khalom-. Je ne
peux manquer à ce sujet de vous rapporter un délicieux commentaire du rabbin
Marc-Alain Ouaknine. Ces deux termes "lehem" et "khalom"
sont bâtis sur les mêmes consonnes "lamed-het–mem" qui donnent
un total en guematria de 78 pour chaque terme. En les additionnant, on trouve
156, guematria du nom Joseph celui qui a eu faim (la famine sévissant en terre
de Canaan), qui a été soumis à l'exil (a été étranger en Egypte) et qui ensuite,
grâce aux rêves de gerbes de blé (futur pain) et à leur interprétation,
est sorti du cercle vicieux névrotique et ainsi a redonné vie à la révélation
de ses Pères.
En seconde
partie, je me suis appuyée sur une idée que je dois a Yeshayahou Leibowitz : le
principe de l'élection de Dieu par un peuple/l'élection d'un peuple par Dieu.
Je cite Moïse
parlant aux bnei Israel : d'une part "tu as aujourd'hui reconnu l'Eternel
pour être ton Dieu, pour marcher dans Ses voies, observer Ses lois, Ses
préceptes, Ses statuts et écouter Sa parole" ;
D'autre part,
"et l'Eternel t'a reconnu aujourd'hui pour être son peuple de prédilection
pour que tu gardes tous Ses commandements".
Vous constatez
la symétrie de ces deux énonciations. Mais y-at'il un lien de cause à effet, de
temporalité de l'une par rapport à
l'autre ?
Comment la 1ère
se manifeste-t'elle en pratique ? En marchant et observant les lois que Dieu a
prescrites, en écoutant Sa parole.
Comment
pratiquer la seconde ? En acceptant et gardant Ses commandements.
On voit là que
les deux versets sous-tendent la même idée : Dieu a choisi le peuple d'Israel
dans un but bien précis et le peuple a choisi ce Dieu parce qu'il l'a élu, lui
le peuple, au poste de responsabilité. Ce n'est ni une récompense particulière
ni une gratification mais une mission, la plus grande et la plus difficile, à
savoir que l'Eternel est notre Dieu en cela que nous Le reconnaissons comme
celui qui nous enjoint de pratiquer et d'observer ses Lois et dont nous
acceptons la transcendance.
Cette
responsabilité du peuple vis-à-vis de ce Dieu et de l'individu juif vis-à-vis
de lui-même et de l'autre, est seule la garante d'avenir, de promesse et de
liberté.
Maayane Meyer
Août 2013
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