Ce chabat nous lisons la
paracha "choftim". Il s'agit du rappel synthétique des directives
relatives aux pouvoirs judiciaire et législatif devant régir le peuple hébreu
sur la terre que Dieu leur a destinée. De nombreux exemples sont développés dont
le meurtre et l'adultère -placés ici sur le même plan-, la guerre et ses obligations
"humanistes" et enfin l'idôlatrie.
Mais je voudrais revenir
de manière plus globale, sur le livre qui contient cette paracha, Devarim
– Paroles- celles que Moché adresse aux
Bnei Israel au bout d'une errance de 40 ans dans le désert, au seuil de la
terre promise terminologie que Lévinas interrogera et transformera en : terre
permise, oui/non ? C'est là tout
l'enjeu et le message actuel de ce Livre que Moché signe en en faisant son
testament.
Or donc Moché rassemble le
peuple et re-énonce de façon condensée les paroles qu'Elohim, au Sinaï, lui a
dictées pour qu'il les transmette lui-même aux enfants d’Israel. Mais ici,
c’est une parole humaine, dite par un homme, directement, sans intervention
divine. Moché le plus grand des prophètes qui était de « bouche
pesante » devient, au terme d'un parcours de vie initiatique, le chef,
orateur talentueux, d’un peuple.
Ici, il parle à la première personne et, comme
Jacob sur son lit de mort, rappelle les lieux où les Bnei Israel ont commis de
graves fautes à l’égard d’Elohim, fautes qui restent dans la mémoire pour
précisément servir d'expérience à ne pas renouveler. Mais il n’est ni dupe ni
naïf : il sait que les hébreux recommenceront….. Pourtant, il se sent
appelé, il obéit à une force qui le dépasse mais qu'il sait être la ligne de
vie que doit suivre son peuple. Il le met malgré tout en garde, une nouvelle
fois, sans hésiter, habité qu'il est par le Message.
Aussi commence-t’il par
le domaine de la Justice qui doit régir tant les relations sociales que
politiques afin de constituer une société au socle éthique : plus de miracle à
espérer dans cette nouvelle ère de l’épopée hébreue : plus de mer qui se
fend contre toute attente ; plus de manne inespérée qui tombe des
cieux ; plus d’ennemi qui soit tenu à l’écart. Non, c'est ici et maintenant, qu'il
incombe aux hébreux de construire un "vivre ensemble" selon les lois
édictées par Dieu lors de la génération précédente au Sinaï et rappelées pour
être appliquées aujourd'hui par
un homme pour des hommes lorsque,
lui, le chef suprême, le prophète d'entre les prophètes ne sera plus.
Devarim
est une sorte de
« michné tora » avant
l'heure, c’est-à-dire répétition de la Tora ou « deuxième Loi (deutéro-nome).
On pourrait croire que Moché a fait du « copier/coller » ! Or, vous
savez bien que dans la Tora, jamais une phrase ou même un mot, qui parait redit,
ne l’est vraiment. Il est au contraire source d’une nuance, d’une
interprétation, d’un sens nouveau. Il faut donc savoir relire et ré-écouter ces
Paroles comme une « loi orale », au miroir de l’évolution du peuple, de l’Egypte… au Désert et ……à la Terre
Promise. C'est la torat Moché.
Aujourd’hui, au regard
de l’évolution des sociétés et surtout de la critique biblique contemporaine,
des archéologues, des linguistes, des ethnologues se sont posé des questions sur
l’origine de l’auteur réel de ce Livre, de l’époque et des lieux où se serait
situé le récit.
A quel mode de
composition et à quel style peut-on le relier ? Quand a-t’il été
écrit ? Par qui ? Comment Moché a-t’il pu décrire sa propre
mort ? Pourquoi n’est-il pas fait mention de Jérusalem comme
centralité du Royaume d’Israel ? etc, etc.
A. Chouraqui dit même :
« Le Deutéronome, tel que nous le lisons actuellement, passe pour une
construction très élaborée, fruit d’une longue évolution ….».
Ce qui est certain, c’est
son contenu éthique. Ni Rosenszweig ni Lévinas ne réfute l’authenticité du
message divin même s’ils admettent que l’écriture en est humaine…
Ils s’interrogent sur le
fond et la forme, pas sur le sens spirituel. Du coup, ils font rebondir les
interprétations.
Par exemple, quelles
significations revêt aujourd’hui l’injonction de non-idolâtrie alors que notre
société s’adonne à l’addiction de tout et n’importe quoi ? Que veut dire
« présence divine » dans un lieu précis alors que le Temple n’existe
plus ? Comment vivre ensemble alors que l’individualisme prospère ?
Comment ne pas « mélanger » les genres alors que nous mêlons
allègrement l’intime et l’extérieur ? Ces questions sont toujours
d'actualité …..
Ce Livre donc –Devarim-
reprend de manière saisissante La Parole de Dieu : il rappelle le passé
épique d’Israël qui doit servir de base à son avenir en se fondant sur les Lois
de la Tora une nouvelle fois répétée mais toujours créatrice de sens.
Chabat chalom.
Maayane Meyer
Aout
2013
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