Chers
amis,
La
paracha Nasso est particulièrement riche et comporte plusieurs sujets, parmi
lesquels on trouve l’ordre de mission de la tribu de Levy (ceux qui seront
chargés de transporter les objets du sanctuaire pendant les voyages du désert),
les règles concernant le « naziréat » => une personne qui pour une
raison ou une autre ferait un vœu d’abstinence et se priverait de boire du vin
et de se couper les cheveux pendant une période donnée, on trouve aussi,
presque perdu au milieu de la narration, la fameuse « birkat cohanim »
cette bénédiction que les prêtres sont habilités à nous transmettre et qui est
encore utilisée aujourd’hui dans la liturgie, et enfin une description assez
précise de la façon dont Dieu parle à Moché à l’intérieur du sanctuaire.
Le
sujet qui m’a intéressé cette semaine est la règle de la femme « Sota »
c’est-à-dire la femme soupçonnée d’adultère par son mari, qui doit être amenée
au Temple et à qui on doit faire boire מים המאררים de
l’eau amère, une sorte de breuvage composé avec de l’eau du sanctuaire, un peu
de poussière ramassée sous l’autel, et de l’encre diluée après que l’on ait
écrit des versets de la Torah sur un parchemin (quelques versets de la paracha
Nasso incluant le nom divin du tétragramme). La cérémonie doit intervenir si le
mari a interdit à sa femme de s’isoler avec tel ou tel homme, et que deux
témoins sont venus affirmer qu’elle n’avait pas obéi à l’interdiction de son
mari. Néanmoins elle affirme avec force qu’elle ne s’est pas souillée avec lui,
autrement dit qu’il ne s’est rien passé entre eux. C’est si le mari a perdu
confiance en elle et continue à avoir un doute sur son comportement, et donc
sur les enfants qu’il va avoir avec elle, qu’elle porte peut-être déjà, que la
cérémonie doit avoir lieu. J’insiste pour donner tous ses détails, qui ne sont
pas tous directement dans le texte mais qui sont codifiés dans la Talmud où les
Hakhamim dédient un traité entier de la Michna et de la Guemara à cette
question, pour dire que la cérémonie ne peut avoir lieu sans l’assentiment des
deux protagonistes : le mari et la femme.
Si la femme avoue avoir trompé son mari, elle est
divorcée (répudiée) automatiquement (sans les dispositions légales à son
bénéfice). Si le mari refuse la cérémonie, il doit divorcer de sa femme à ses
torts, au bénéfice de l’épouse. Jusqu’au dernier moment, la cérémonie peut être
annulée, par l’un ou par l’autre.
Si la femme boit cette potion alors qu’elle a
effectivement trompé son mari, un effet miraculeux s’opère et son corps se
déforme, prouvant à tous sa faute et sa disgrâce méritée. Si en revanche elle
est innocente et injustement accusée, l’eau lui servira de bénédiction et elle
sera bénie dans sa fécondité.
D’ordinaire, lorsque je me trouve devant un texte comme
celui-ci, je m’attache à désamorcer l’apparente misogynie de la loi et je tente
de prouver que malgré l’arrière-plan patriarcal, une attention spéciale, une
écoute particulière est portée au féminin dans la Torah. Dans ce cas précis,
dire que la loi de Sota est une loi féministe mal comprise serait un contresens
douteux. Non, dans le texte de la Tora aucune attention n’est portée à
l’épouse, qui est traitée comme un objet auquel on n’adresse même pas la
parole. C’est dans la tradition orale qu’on va trouver un certain souci de
justice, et donc d’équilibre entre le mari et son épouse : si le mari
lui-même a trompé sa femme et eu des relations interdites, alors l’eau de la
potion est inefficace. Plus encore : on imagine une cérémonie dans
laquelle, contrairement à la Tora écrite on fait boire au mari le même breuvage
pour vérifier si lui-même est innocent. Enfin on justifie l’arrêt de cette
pratique dès l’époque du second Temple sous le prétexte que cela ne peut
fonctionner que dans une époque où tout le peuple a un comportement exemplaire,
et pas dans une époque où la « pritsout » (débauche) est monnaie
courante.
Néanmoins ce développement ne suffit pas à camoufler la
violence et l’humiliation que subit la femme soupçonnée, puisqu’elle est
véritablement maltraitée par le prêtre en charge de la cérémonie, qui doit la
trainer par les vêtements, les déchirer jusqu’à la poitrine et lui défaire les
cheveux, et ce publiquement car tout le monde doit pouvoir assister à la scène.
L’occasion de drachot sur le chalom Bayit, dans
lesquelles le mari soupçonneux a le mauvais rôle.
רבי מאיר היה יושב ודורש בלילי שבת. הייתה שם אשה אחת יושבת ושומעת לו. נתאחרה דרשתו. המתינה עד שגמר מה שדרש, הלכה לביתה ומצאה הנר כבה. אמר לה בעלה: היכן היית? אמרה לו: ישבתי ושמעתי דרשה. אמר לה: כך וכך [=לשון שבועה] שאין את נכנסת לכאן עד שתלכי ותירקי בפני הדרשן. ישבו שבת [=שבוע] ראשונה, שניה ושלישית. אמרו לה שכנותיה: כעת אתם במריבה, הבה נלך עמך אל הדרשן. כיון שראה אותם רבי מאיר, צפה ברוח הקדש, אמר להן: יש ביניכן אשה היודעת ללחש עין? אמרו לה שכנותיה: כעת את הולכת ויורקת בפניו ונעשית מותרת לבעלך. כיון שישבה לפניו נרתעה מלפניו. אמרה לו: רבי, אין אני יודעת ללחוש עין. אמר לה: התיזי רוק בפני שבע פעמים ואני מתרפא. ירקה בפניו שבע פעמים. אמר לה: לכי אמרי לבעלך, אתה אמרת פעם אחת, אני ירקתי שבע פעמים. אמרו לו תלמידיו: רבי, כך מבזים את התורה –לא היה לך לומר לאחד מאתנו ללחוש לך?! אמר להם: לא דיו למאיר להיות שווה לקונו?! ששנה רבי ישמעאל: גדול שלום, ששם הנכתב בקדושה אמר הקב"ה ימחה על המים בשביל להטיל שלום בין איש לאשתו.
Une particularité : un mot que vous connaissez tous,
même ceux qui ne connaissent pas un seul mot d’hébreu apparaît pour la première
fois dans la paracha, et ce mot est prononcé par une femme : Amen.
במדבר פרק ה
(כב) ובאו המים המאררים האלה במעיך לצבות בטן ולנפל ירך
ואמרה האשה אמן אמן:
משנה מסכת סוטה פרק ב
משנה ה
[ה] על מה היא אומרת אמן אמן אמן על האלה אמן על השבועה אמן
מאיש זה אמן מאיש אחר אמן שלא שטיתי ארוסה ונשואה ושומרת יבם וכנוסה אמן שלא
נטמאתי ואם נטמאתי יבאו בי רבי מאיר אומר אמן שלא נטמאתי אמן שלא אטמא:
Aujourd’hui sur Ynet : excellent article
de Rouhama Weiss.
Pour le résumer en quelques mots, elle
commence par déplorer que la première fois qu’apparait le mot
« amen » soit à cet endroit de humiliation de la femme.
Puis elle s’interroge sur la signification du
mot : dans le contexte, ce ne peut pas être « ainsi soit-il » ou
« je le souhaite » ou « je suis d’accord ».
Elle pense que ce sera plus : אף על פי כן « Malgré tout ». Malgré le fait
qu’on m’oblige à faire cela, je suis présente devant cette loi et je continue à
me tenir devant ce Dieu que je trouve injuste.
De manière très belle et très touchante, elle
fait un parallèle avec la littérature prophétique : La femme = le peuple
d’Israël, qui à cause de ses fautes (tromperie) souffre de manière injuste et
disproportionnée. Et néanmoins le peuple juif continue à dire Amen. Malgré
tout.
Chabbat chalom
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