« Ne
déshonorez point mon saint nom, afin que je sois sanctifié au milieu des
enfants d'Israël, moi, l'Éternel, qui vous sanctifie »
Chers
amis,
Ce soir j’ai choisi de
parler d’un concept très important et même fondamental dans le judaïsme, qui
trouve sa source dans un verset que nous lirons demain :
ויקרא פרק כב
פסוק לב
ולא תחללו את שם קדשי ונקדשתי בתוך בני ישראל
אני יקוק מקדשכם:
Deux commandements :
- Ne pas profaner le Nom divin
- Sanctifier le Nom divin
Les
sages du Talmud, à leur habitude, prennent cette mitsva au sens concret et
juridique, même si ce n’est pas forcément le pchat du texte : Kidouch
hachem = la sanctification ultime : lorsqu’un juif est prêt à donner
sa vie pour ne pas trahir le monothéisme ou profaner les préceptes de la Torah.
Mais ce concept, s’il est mal compris, peut s’avérer dangereux ou donner une
mauvaise image du judaïsme. Personne ne dit qu’il faut mourir pour Dieu, ou
pour la Torah, au contraire ! Qu’est-ce que la profanation du Nom divin
(notamment chez Maïmonide, qui compile et résume les discussions du
Talmud) ? Dans les époques de persécutions, si un non-juif ordonne à un
juif de transgresser un des commandements de la Torah sous peine de mise à mort
immédiate, si le juif ne transgresse pas et se laisse tuer, c’est cela la
profanation !
(La source en est dans la paracha que nous avons lue la
semaine dernière :
ויקרא פרק יח
(ה) ושמרתם את חקתי ואת משפטי אשר יעשה אתם האדם
וחי בהם אני יקוק:
Si
des juifs deviennent fanatiques au point de préférer mourir pour leur religion,
c’est une double transgression : au niveau individuel car la Torah doit
être perçue comme « Torat Hayim », et au niveau collectif car cela
donne une image du judaïsme qui rappelle certaines déviances sectaires ou
certains fanatiques de guerres dites « saintes » qui n’ont rien à
voir avec l’idéal de sainteté qui nous a été transmis.
Si
un juif préfère transgresser la Torah pour sauver sa vie, montrant ainsi que le
respect de la vie est au sommet de la hiérarchie des valeurs du judaïsme, alors c’est
cela qui est appelé sanctification du Nom divin.
C’est
dans ce contexte, et après les précautions d’usage, qu’il faut comprendre les
limitations que les sages ont donné à cette loi, pour éviter débordements et
cycle de violence : On doit transgresser tous les commandements de la
Torah, sauf trois : l’interdit du meurtre (pourquoi préférer une vie
plutôt qu’une autre ?), les unions sexuelles interdites (inceste, unions
consanguines etc.), et l’idolâtrie (même cela est limité dans certains cas bien
précis, impossible de rentrer dans les détails, disons simplement qu’il y a une
différence entre « en public » et « en privé ».
Si
on préfère la mort plutôt que de transgresser un de ces trois commandements,
alors cela s’appelle Kiddouch Hachem Hagadol (=absolu, ultime) et l’on
rejoint les « Harougué Malkhout », tous les juifs morts sur le bûcher
comme Rabbi Akiva et bien d’autres (les croisades, pogroms, inquisition etc.)
Voilà
pour la question juridique. Mais Maïmonide poursuit :
הלכה יא
ויש דברים אחרים שהן בכלל חילול השם, והוא שיעשה
אותם אדם גדול בתורה ומפורסם בחסידות דברים שהבריות מרננים אחריו בשבילם,
ואע"פ שאינן עבירות הרי זה חילל את השם ט כגון שלקח ואינו נותן דמי המקח
לאלתר, והוא שיש לו ונמצאו המוכרים תובעין והוא מקיפן, או שירבה בשחוק או באכילה
ושתיה אצל עמי הארץ וביניהן, או שדבורו עם הבריות אינו בנחת ואינו מקבלן בסבר פנים
יפות אלא בעל קטטה וכעס, וכיוצא בדברים האלו הכל לפי גדלו של חכם צריך שידקדק על
עצמו ויעשה לפנים משורת הדין, וכן אם דקדק החכם על עצמו והיה דבורו בנחת עם הבריות
ודעתו מעורבת עמהם ומקבלם בסבר פנים יפות ונעלב מהם ואינו עולבם, מכבד להן ואפילו
למקילין לו, ונושא ונותן באמונה, ולא ירבה באריחות עמי הארץ וישיבתן, ולא יראה
תמיד אלא עוסק בתורה עטוף בציצית מוכתר בתפילין ועושה בכל מעשיו לפנים משורת הדין,
והוא שלא יתרחק הרבה ולא ישתומם, עד שימצאו הכל מקלסין אותו ואוהבים אותו ומתאוים
למעשיו הרי זה קידש את ה' ועליו הכתוב אומר ויאמר לי עבדי אתה ישראל אשר בך אתפאר.
« Il y a d’autres choses qui entrent dans la
catégorie de la profanation du Nom, qui concernent les personnes grandes dans
la Torah et connues pour leur piété, et sur qui les gens prennent exemple, et
même si ce ne sont pas [juridiquement] des transgressions cela rentre dans la
catégorie de la profanation du Nom :
- celui qui est un mauvais payeur
- celui qui fait trop la fête avec des gens peu
fréquentables
- celui qui n’est
pas doux et calme avec les gens mais est de caractère agressif et irascible
De l’autre côté si le sage fait des efforts sur lui-même
et fait preuve de calme et d’empathie avec les autres, s’il accepte les
vexations sans les rendre, s’il respecte même ceux qui lui manquent de respect,
s’il est honnête et de bonne foi dans ses transactions, […] s’il passe son
temps à faire le bien lifnim michourat hadin, c’est-à-dire même si ce n’est pas
indiqué par les textes, alors cela rentre dans la définition du Kiddouch
Hachem. »
Ce
développement un peu long pour en arriver à une idée, une seule : la
définition de sanctification ou profanation est variable et peut être
extensible suivant les personnes et les attitudes : pour faire court, sont
dans la catégorie des sanctificateurs tous ceux qui font honneur au peuple juif
et à ses valeurs. Sont dans la catégorie des profanateurs ceux qui font honte
au peuple juif et le mettent littéralement en danger car comme nous le dit la
Michna « tous les juifs sont solidaires les uns aux autres » c'est à prendre au
sens spirituel mais aussi et surtout au sens concret de l’attitude face à
l’autorité dominante (les romains ou autre : quand un juif fait une
bêtise, c’est à tous les juifs qu’on s’en prend (même si ce n’est pas
forcément vrai, c’est encore ce que l’on ressent très souvent dans les
familles) : lorsqu’on entend qu’un juif a des problèmes avec la justice, il
y a une crainte viscérale et irraisonnée : cela va encore retomber sur les
juifs !
En
France, depuis la Révolution, la création du Consistoire et d’autres
évènements, les juifs ont toujours fait très attention à ne pas intervenir
politiquement en tant que collectif dans la vie politique nationale. En tant
qu’individus, citoyens, aucun problème. Pas en tant que communauté. Par
discrétion, par volonté de ne pas laisser prise à des critiques. Même si ce
n’est pas interdit.
Pour
en venir à une actualité récente, malheureusement je n’ai pas l’impression que
ce soit le cas actuellement. Nombre de juifs n’hésitent pas à parler à tort et
à travers sur les réseaux sociaux et à prendre parti pour un candidat plutôt
qu’un autre.
Il
faut donc réaffirmer ce principe de neutralité auquel nous sommes attachés dans
la république française, demain nous lirons la prière pour la France, pour la république française et ses dirigeants, quels qu'ils soient, sans les nommer.
Chabbat
chalom
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